Actualité patrimoniale LBF – Octobre 2025

Actualité patrimoniale LBF – Octobre 2025

Au cœur de l’actu patrimoniale : mariage à l’étranger, préciput et réforme de l’IFI 2026… entre droit et fiscalité, la vigilance reste de mise !


10 minutes de lecture

Ce mois-ci, les ingénieurs patrimoniaux de LBF vous proposent d’analyser 3 sujets :

Quelle loi s’applique aux couples mariés à l’étranger ? La réponse de la Cour de cassation rappelle les règles sur la loi applicable au mariage

Un récent arrêt de la Cour de cassation (1er octobre 2025, n°23-17.313) apporte une précision importante dans les divorces impliquant des couples de nationalités différentes vivant à l’étranger.

Tout commence en 1994, en Italie. Un Français et une Irlandaise se marient sans établir de contrat de mariage. Après le mariage, le mari s’installe en France, où il vit et travaille. Son épouse, elle réside à l’étranger. Finalement, en 1996, deux ans plus tard, le couple choisit de s’installer ensemble en Arabie Saoudite. Leur union finit par se solder par un divorce en 2020. Mais une question cruciale se pose. Quelle loi doit régir leur régime matrimonial ? C’est-à-dire les règles qui déterminent la propriété, la gestion et le partage de leurs biens?

Quand le divorce traverse la frontière ?

En 2023, la cour d’appel d’Aix-en-Provence tranche. Selon elle, la loi applicable est la loi saoudienne, c’est en Arabie Saoudite que les époux ont eu leur première résidence commune après le mariage. Conformément aux dispositions de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 dans son article 4.

L’ex-épouse conteste cette décision. Elle estime que la cour d’appel a mal interprété la Convention de La Haye. La Cour de cassation va lui donner raison.

L’article 4 de la Convention prévoit trois cas possibles :

Si les époux n’ont pas choisi de loi avant le mariage, c’est celle du pays où ils s’installent ensemble après le mariage qui s’applique.

S’ils ne vivent pas dans le même pays après le mariage, c’est la loi du pays dont ils ont la même nationalité qui s’applique.

S’ils n’ont ni résidence commune ni nationalité commune, la loi du pays avec lequel ils entretiennent les liens les plus étroits s’applique.

La Cour de cassation tranche

Dans cette affaire, les époux n’ont pas vécu ensemble immédiatement après le mariage. Cependant, ce n’est que deux ans plus tard qu’ils ont résidé ensemble en Arabie Saoudite. La Cour de cassation écarte la résidence tardive, qu’elle ne considère pas comme la première résidence habituelle des époux après le mariage au sens de la Convention.

Autrement dit, la loi saoudienne n’était pas la loi applicable dans cette affaire. Les époux n’ayant pas la même nationalité, il fallait rechercher la loi de l’État avec lequel le couple avait les liens les plus étroits.

Ainsi, cette affaire rappelle que la présence d’éléments internationaux dans un mariage peut avoir des conséquences importantes en cas de divorce. Notamment pour le partage des biens. Elle souligne aussi l’importance, pour les couples concernés, de prévoir dès le départ la loi applicable à leur régime matrimonial. À l’avenir, les mariages et divorces internationaux continueront de soulever des défis. Soulignant l’importance d’une anticipation juridique dès la formation de l’union. Afin d’éviter que des incertitudes supplémentaires ne viennent compliquer la séparation.

Source : Arrêt de la Cour de cassation du 1er octobre 2025, Pourvoi n°23-17.313

Marie HANNIN, ingénieur patrimonial

Projet de loi de finances 2026 : refonte de l’IFI et nouvelle assiette « improductive »

Le 31 octobre 2025, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, la transformation de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) en « impôt sur la fortune improductive ». Le dispositif n’est pas promulgué à ce stade : il doit poursuivre la navette parlementaire et demeure susceptible d’ajustements, voire d’un contrôle constitutionnel.

Le texte opère un glissement d’un impôt centré sur l’immobilier vers une assiette élargie aux biens dits “improductifs” : biens et droits immobiliers bâtis et non bâtis, sommes et rentes, valeurs d’assurance-vie non investies en unités de compte, liquidités et placements assimilés (comptes courants, livrets, dépôts, obligations à rendement non significatif, etc.), actifs numériques (cryptomonnaies, tokens). Ainsi que les biens meubles corporels (œuvres d’art, bijoux, véhicules et yachts de collection, etc.). Sont exclus de l’assiette les biens “productifs” (affectés à une activité économique réelle : agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale). Et, sous conditions, le logement social loué sous encadrement.

La mécanique proposée par le projet de loi de finances substitue au barème progressif de l’IFI un taux unique de 1 %, appliqué à un patrimoine taxable dont le seuil d’entrée demeure fixé à 1,3 M€. En outre, elle institue un abattement forfaitaire de 1 M€ par foyer sur la résidence principale ou unique. Par ailleurs, les dettes resteraient déductibles selon les principes de l’IFI. Mais uniquement lorsqu’elles sont afférentes à des biens “improductifs”. Naturellement, des précisions de valorisation sont attendues. Notamment pour l’art, les actifs numériques et, plus largement, pour les placements à faible rendement.

Conclusion temporaire

À ce stade, il s’agit de paramètres portés par le PLF, susceptibles d’évoluer au Sénat, en commission mixte paritaire, ou à l’issue d’un contrôle du Conseil constitutionnel.

Source : Projet de Loi de Finances pour 2026

Sema AYNE, ingénieur patrimonial

Préciput et droit de partage : la mise au point décisive de la Cour de cassation

Un arrêt décisif pour le préciput

Le préciput vient de sortir du brouillard fiscal. Par un arrêt du 5 novembre 2025, publié au Bulletin (pourvoi n° 23-19.780), la chambre commerciale de la Cour de cassation juge que le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant en application de l’article 1515 du Code civil ne constitue pas une opération de partage. Et ne peut donc pas être soumis au droit de partage prévu à l’article 746 du CGI.

Depuis plusieurs années, l’administration fiscale soutenait l’analyse inverse. Puisque le préciput intervient lors du règlement d’une succession et conduit à l’attribution de biens au seul conjoint survivant, il devait être taxé comme un partage. Cette position transformait un outil de protection du conjoint en source de coût et d’insécurité, en contradiction avec la logique même du contrat de mariage.

L’affaire à l’origine de la décision illustre bien cet enjeu.

À la suite du décès de son époux en 2016, une veuve exerce la clause de préciput stipulée dans son contrat de mariage et prélève des biens sur la communauté. L’administration lui notifie en 2019 une proposition de rectification en appliquant le droit de partage. Sa réclamation étant rejetée, elle saisit le juge. Par un arrêt du 4 juillet 2023, la cour d’appel de Poitiers refuse l’assujettissement au droit de partage. En estimant que le prélèvement préciputaire ne présente pas les caractéristiques d’une véritable opération de partage. Alors l’administration forme un pourvoi, finalement rejeté par la Cour de cassation, après avis de la première chambre civile.

Le rappel de la définition du partage au sens fiscal

Pour trancher, la Cour commence par rappeler ce qu’est un partage au sens fiscal. A savoir, l’opération qui, à l’issue du processus mettant fin à une indivision, conduit à la division de la masse indivise. Et à sa répartition entre les indivisaires à proportion de leurs droits. Or, le préciput s’en distingue sur trois points essentiels. Tout d’abord, il intervient, selon les termes mêmes de l’article 1515 du Code civil, avant tout partage, sur l’actif net de la communauté déjà liquidée. Ensuite, il s’exerce sans contrepartie : les biens prélevés ne s’imputent pas sur la part du conjoint bénéficiaire. Ce qui confirme sa nature d’avantage matrimonial. Enfin, son exercice relève d’une décision unilatérale et discrétionnaire du conjoint survivant, et non d’un accord entre indivisaires mettant fin à une indivision.

Même s’il produit, comme le partage, un effet rétroactif, le prélèvement préciputaire ne remplit donc pas les conditions juridiques du partage. La Cour en déduit que « le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant, en application de l’article 1515 du code civil, ne constitue pas une opération de partage ». Et « ne peut, dès lors, être soumis au droit de partage prévu à l’article 746 du code général des impôts ». Le pourvoi est rejeté. La décision de la cour d’appel confirmée. Et l’administration condamnée aux dépens. Ainsi qu’au paiement de 3 000 euros à la contribuable sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au-delà du cas d’espèce, la portée pratique est nette.

Le préciput est réaffirmé comme un avantage matrimonial, ancré dans le contrat de mariage, et non comme une modalité du partage successoral.

De ce fait, les couples mariés sous un régime communautaire disposent ainsi d’un outil de protection du conjoint survivant sécurisé sur le plan fiscal. Pour les praticiens, l’arrêt offre un cadre clair. Il met fin au risque de voir l’exercice d’un préciput taxé au droit de partage. De plus, il fournit un fondement solide pour contester les rectifications passées. En rétablissant la frontière entre droit matrimonial et fiscalité du partage. La Cour de cassation redonne au contrat de mariage sa véritable fonction : organiser l’autonomie patrimoniale du couple. Et ce, sans qu’une requalification fiscale vienne en dénaturer l’esprit.

Source : Cour de cassation, 5 novembre 2025, pourvoi n°23-19.780

Sema AYNE, ingénieur patrimonial

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