Les cryptos créent-elles une nouvelle génération d’investisseurs ?

Les cryptos créent-elles une nouvelle génération d’investisseurs ?

Les près de 10% de Français qui détiennent des cryptomonnaies, NFT et autres actifs numériques ont-ils un profil différent des investisseurs traditionnels ?
Nous avons enquêté sur le marché des cryptos et comment, à travers ses péripéties souvent spectaculaires, il change le paysage de l’investissement par les épargnants français.


7 minutes de lecture

Près de 5 millions de Français, plus exactement 9,4 %, détiennent une forme d’actif digital. Cette nouvelle forme d’actif, hors marchés traditionnels, crée-t-elle une nouvelle génération d’investisseurs ?

C’est la question que nous nous sommes posée. La réponse : Oui et non. Certes, les actifs digitaux attirent un grand nombre de jeunes investisseurs plus technophiles que leurs anciens. Mais économiquement, ils ont de plus en plus souvent le profil typique des investisseurs en actifs risqués. Ce sont en majorité des hommes, de niveau social et économique assez élevé.

Le retournement spectaculaire des marchés crypto entre 2021 et 2022 ont sans doute durablement effrayé les investisseurs moins fortunés.

Crypto et actifs numériques

Tout d’abord, qu’entend-on par « crypto » et « actif numérique » (digital asset) ? Ces termes désignent en général les jetons et monnaies cryptographiques qui se créent et s’échangent sur des blockchains, hors des marchés traditionnels. La cryptographie sécurise les transactions et règle les échanges.

Comme nous nous intéressons aujourd’hui aux investisseurs particuliers, nous parlons essentiellement de trois types d’actifs numériques :

  • Les cryptomonnaies telles que le bitcoin ou l’ether, et les stable coins tels que le tether qui sont indexés sur des devises traditionnelles telles que le dollar ou l’euro,
  • Les NFT ou jetons numériques non fongibles, c’est-à-dire uniques, tels que le NFT Bored Ape Yacht Club de Yuga Labs, un des jetons les plus populaires en France et dans le monde,
  • Les CBDC ou « Central Bank Issued Digital Currency », en français les « Monnaies digitales de Banque centrale » dont des pays comme la Chine et la Lituanie se sont déjà dotés et que l’Europe se prépare également à lancer.

Les investisseurs en crypto : des hommes jeunes et connectés

Le cabinet KPMG et l’Association pour le développement des actifs numériques (ADAN) ont publié une étude qui nous en apprend un peu plus sur le profil des investisseurs en cryptomonnaies.[i]

Pour résumer, en caricaturant un peu, l’investisseur type est un homme jeune et branché. Ainsi en début 2023 :

  • 9,4 % des Français possèdent des cryptos ou des NFT soit 4,8 millions de Français et 1,4 % de plus qu’en 2021.
  • 63,5 % sont des hommes contre 36,5 % femmes.
  • 48 % ont moins de 35 ans, contre 25 % dans la population française. Les jeunes de 18 à 35 ans sont presque deux fois plus susceptibles de posséder des cryptoactifs que la moyenne des Français.
  • Les détenteurs de cryptos sont deux fois plus souvent clients des banques en lignes que la moyenne des Français. Ils ont généralement peu confiance dans le système bancaire.
  • Leur motivation est avant tout la recherche de rendement, suivi par l’investissement long-terme. Mais les trois quarts croient aussi en la technologie et l’utilité de cryptomonnaies telles que le bitcoin et l’ether au-delà de leur valeur spéculative.

De plus en plus, un marché de riches

Quand on considère le revenu des investisseurs en crypto, on constate un grand changement. Les petits épargnants sont maintenant supplantés par les profils plus typiques des investisseurs en actifs risqués : des investisseurs aisés, des CSP+ qui ont les moyens de prendre des risques.

En effet, on constate les changements suivants :

  • La portion d’investisseurs ayant un revenu supérieur à 60 000 € a augmenté de 3 % en 2021 à 24 % en 2023.
  • Tandis que la proportion de ceux ayant un revenu inférieur à 18 000 euros a baissé de 43 % en 2021 à 23,5 %.
  • Plus de 78 % des détenteurs de cryptoactifs sont également des investisseurs en actions pour 13 % de leur épargne contre 37 % des Français pour 11 % en moyenne.

Cette « normalisation » du profil de l’investisseur en crypto sur les particuliers aisés est favorisée par une certaine normalisation du marché, notamment due à l’entrée des investisseurs institutionnels et l’encadrement réglementaire.[ii]

La dure école de la volatilité

Les cours des actifs sont toujours soumis à la loi de l’offre et de la demande. L’intangibilité des actifs digitaux les rend encore plus volatils que les autres. Ainsi, les cryptomonnaies ont toujours connu des hausses et des chutes spectaculaires.

Mais le retournement du marché entre 2021 et 2022 a certainement été un des plus traumatiques.

  • Favorisé par le confinement et ses incertitudes, le marché des cryptos avait connu une ascension spectaculaire en 2021. Sa capitalisation totale avait été multipliée par 4. Le marché s’est effondré à partir de décembre 2021 pour revenir en décembre 2022 pratiquement au niveau de janvier 2021.[iii]
  • Les NFT se sont également effondrés. Parmi les milliers émis dans le monde, beaucoup ne valent plus rien aujourd’hui. Ainsi le cours du NFT des Fans du PSG qui était monté jusqu’à 33 euros en 2021 a chuté à 3 euros au moment où nous écrivons.

Ce retournement a effrayé les petits épargnants qui ne peuvent se permettre de perdre plusieurs milliers d’euros. Ainsi, un jeune au RSA qui a perdu toute ses économies, soit 8 000 € investis en crypto, témoigne dans Les Echos.

« Je m’en suis voulu car j’étais convaincu que cet argent était mieux placé qu’en banque. Or j’ai tout perdu. »

Conclusion

Les investisseurs en crypto sont, par leur âge, les investisseurs de demain.

Deux choses sont certaines :

  • Ils auront appris la dure loi de l’offre et la demande, et son corollaire la volatilité.
  • Ils sont connectés et resteront attachés au digital comme canal d’investissement.

Resteront-ils attachés aux actifs spéculatifs ? Resteront-ils aventureux, capables d’investir des sommes importantes sur des actifs aussi spéculatifs qu’un projet de digitalisation à ses tout débuts, un attachement à une célébrité ou une image digitale signée électroniquement par un inconnu ? Ou bien se tourneront-ils au contraire vers des actifs plus traditionnels tels que des actions d’entreprises cotées ?

La réponse sera donnée par le marché. Si les cryptomonnaies trouvent à s’insérer durablement dans le tissu économique, si elles peuvent coexister avec Monnaies digitales de Banque centrale, si…

Beaucoup de si… Mais toujours un marché à suivre attentivement !


[i] « Web 3 et crypto en France et en Europe : adoption par le grand public et applications dans les industries », KPMG 2023. Une étude très orientée vers la normalisation, voire la promotion des cryptoactifs.

[ii] Nous reviendrons dans un autre article sur les nouvelles réglementations européennes d’encadrement des actifs digitaux.

[iii] Évaluation basée sur l’index global de CoinMarketCap qui suit des milliers de cryptomonnaies et tokens. Le bitcoin et l’ether représentent à eux seuls plus de la moitié de la valorisation du marché.

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