Une vaste escroquerie révèle les failles des testaments olographes

Une vaste escroquerie révèle les failles des testaments olographes

Comment des notables ont-ils pu capter une dizaine de successions vacantes ? L’arnaque jugée aujourd’hui révèle la faillibilité des testaments olographes.


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Aujourd’hui s’est ouvert à Cusset dans l’Allier le procès de 9 personnes accusées d’avoir détourné à leur profit 11 successions pour un montant de 5,6 millions d’euros. Comment ces malfaiteurs ont-ils exploité les failles des testaments olographes pour tromper la justice ? Quelle leçon en tirer ? C’est l’objet de cet article.

Une organisation criminelle bien rodée

L’histoire relatée par le Figaro se lit comme un roman policier. Les malfaiteurs étaient des notables, des cols blancs au-dessus de tout soupçon. Ils avaient mis au point en 15 ans de forfaits une organisation bien huilée dans laquelle chacun jouait un rôle précis pour tromper la justice.

Un ex-notaire, Jean-Louis Magnin, rayé de l’ordre pour abus de faiblesse, était le cerveau de la bande. Il utilisait ses connaissances des successions, et en particulier des testaments olographes, pour mettre au point ses stratagèmes de captation d’héritage. Un directeur d’Ehpad et un croquemort repéraient les victimes potentielles, des personnes âgées isolées, décédées sans famille. Un généalogiste pouvait s’assurer qu’elles n’avaient pas d’héritier.

Enfin, d’autres complices, notaire et avocat véreux, entraient en contact avec le curateur chargé d’administrer la succession vacante et lui présentaient un testament prétendument rédigé par le défunt. De faux bénéficiaires désignés comme légataires universels par ce testament encaissaient alors l’héritage qui était ensuite partagé entre les complices — le cerveau de l’affaire se réservant la part du lion.

L’escroquerie de trop

En 2015, la sinistre bande a fait une victime de trop. Un retraité de 65 ans, résident d’un petit village de l’Allier qui avait perdu sa femme depuis peu, s’était suicidé. Comme il n’avait pas de famille, sa succession a été déclarée vacante.

Quelques mois plus tard, les malfaiteurs ont présenté un faux testament comme étant de la main du défunt peu avant son décès. Le document nommait légataire universelle une dame libanaise résidant à Londres. Malheureusement pour nos escrocs, ils ignoraient que l’huissier devant lequel ils se présentaient était en possession d’un ancien testament du défunt. En effet en 2000, celui-ci et son épouse, alors encore en vie, s’étaient mutuellement désignés légataires universels par testament.

Constatant la différence d’écriture entre les deux testaments, l’huissier a saisi le parquet. Un graphologue a confirmé l’escroquerie. Les malfaiteurs ont été mis en examen. Des perquisitions chez les uns et les autres ont révélé l’ampleur de leurs machinations : plus de 11 successions indûment captées sur une quinzaine d’années. 

Que se passe-t-il en cas de succession vacante ?

Cette sinistre histoire nous permet tout d’abord de rappeler qu’un nombre non négligeable de successions sont déclarées vacantes chaque année. C’est le cas, selon l’article 809 du Code civil, lorsqu’une succession n’est acceptée ou réclamée par aucun héritier dans les 6 mois après son ouverture.

La Direction nationale d’interventions domaniales (DNID) assume alors le rôle de curateur de la succession au profit de l’État. Après inventaire et paiement des créanciers et d’éventuels legs, les biens du défunt sont vendus au profit de l’État.

Chaque année, environ 13 000 successions sont déclarées vacantes pour des actifs qui dépassent les 200 millions d’euros (source DGFP). Pour essayer de réduire ce nombre, l’État a mis depuis un an un fichier des successions vacantes à disposition du public. Il permet aux familles de savoir si la succession d’un parent, par exemple un parent lointain, a été déclarée vacante. Les créanciers peuvent également le consulter pour faire valoir leurs droits.

Les personnes qui n’ont pas d’héritier connu ne veulent pas nécessairement que leurs biens finissent dispersés dans des ventes aux enchères au profit de l’État. Prendre conscience de ce qu’implique une succession vacante, les convaincra sans doute de prendre des dispositions pour retrouver des héritiers ou nommer des légataires. Elles peuvent également désigner un exécuteur testamentaire qui veillera au respect de leurs volontés.

Les risques des testaments olographes

Les capteurs d’héritage n’ont été confondus qu’à leur 11e escroquerie. Auparavant, ils avaient réussi à faire valoir de faux testaments olographes, prétendument rédigés à la main par les victimes. 

Comme le montrent ces méfaits, un testament olographe peut être falsifié. En effet, ce testament n’a pas besoin d’être validé par quiconque autre que son auteur et signataire, le futur défunt appelé en droit le « cujus ». Le testament olographe, une fois accepté par la succession, a la même portée qu’un testament dit authentique, c’est-à-dire rédigé devant témoin chez le notaire. Ainsi, le dernier testament faisant foi, un testament olographe postérieur à un testament authentique invalide ce dernier.

Il n’est pas conseillé de rédiger un testament seul. Mais si on le fait, il est préférable au moins de le confier ensuite à un notaire pour le faire enregistrer au fichier central des testaments, le Fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV).

Conclusion

Avez-vous parmi vos clients des personnes isolées qui n’ont pas d’héritier ?

Si oui, il serait important de les éclairer avec bienveillance sur la question des successions vacantes. Même si ces personnes ne se préoccupent pas toujours autant que d’autres de la transmission de leur patrimoine, elles voudront sans doute éviter une captation frauduleuse de leur héritage.

Le service de conseil global en préparation de la succession de LaBienveillanceFinancière peut vous aider à les conseiller. Consultez-nous.

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