Actualité Patrimoniale – Janvier 2024
Nous partageons ici les sujets ont récemment retenu l’attention des ingénieurs patrimoniaux de LaBienveillanceFinancière. On y parle de la Loi de finances 2024, de l’interaction entre assurance vie et démembrement à la succession, du droit viager au logement du conjoint survivant, du statut des stock-options dans un couples marié sous un régime de communauté et du registre des mandats de protection future. Bonne lecture !
Bonne année à tous. Voici les sujets d’actualité qui ont retenu l’attention des ingénieurs patrimoniaux dans les semaines qui ont précédé la nouvelle année :
- Loi de finances 2024 : fin des donations de sommes d’argent en démembrement
- Assurance vie et démembrement : le va-et-vient des avis
- Le droit viager au logement du conjoint survivant : l’option tacite suffit-elle ?
- Stock-options et régime matrimonial ne font pas toujours le bon ménage
- Le gouvernement sommé de publier le registre des mandats de protection future
Loi de finances 2024 : fin des donations de sommes d’argent en démembrement
L’article 26 de la Loi de finances 2024 (LF 24) a adopté un amendement proposé par le Sénat qui supprime l’avantage fiscal des donations de sommes d’argent avec réserve d’usufruit.
L’avantage d’une donation d’argent avec réserve d’usufruit avant la LF 24
- Un donateur donne une somme d’argent à un donataire en s’en réservant l’usufruit – en l’occurrence le quasi-usufruit puisque l’argent est un bien consommable.
- Le donataire détient une créance de restitution de la somme donnée. Il acquitte les droits de succession sur la valeur de la nue-propriété (par ex. 60 % si l’usufruitier a 70 ans ou moins).
- Le quasi-usufruitier dispose librement de la somme d’argent.
- Au décès du quasi-usufruitier, la créance de restitution de la somme donnée est déduite de sa succession pour sa pleine valeur – un avantage fiscal pour le nu-propriétaire.
La raison invoquée par le Sénat pour modifier le Code général des impôts (CGI)
- Le transfert de propriété par donation n’est pas réel puisque l’argent peut être aliéné.
- Il faut dissuader les contribuables de pratiquer ce type d’opération principalement motivée par un objectif d’optimisation fiscale.
Après la modification du CGI par l’article 774 bis instauré par la LF 24
- Au décès du quasi-usufruitier, la créance de restitution de la somme donnée n’est pas déductible de sa succession.
- Le nu-propriétaire doit donc acquitter les droits de succession sur cette somme évaluée au moment du décès de l’usufruitier, déduction faite des droits versés au moment de la donation, sans possibilité de restitution au cas où ces derniers seraient supérieurs.
Cet amendement aura peu d’impact, car ce type de donation était peu pratiqué du fait même de sa nature contestable.
Important : Cet amendement ne s’applique pas à l’usufruit résultant d’une transmission par décès ni aux dettes de restitution contractées sur le prix de cession d’un bien dont le défunt s’était réservé l’usufruit, sous réserve qu’il soit justifié que ces dettes n’aient pas été contractées dans un objectif principalement fiscal.
Source : Loi de finances 2024, article 26
Assurance vie et démembrement : le va-et-vient des avis
Une affaire récente soulève les questions complexes liées à l’interaction entre assurance vie et démembrement à la succession.
Les faits :
- Un homme marié sous le régime légal décède, laissant pour héritiers son épouse et un enfant,
- En tant que conjoint survivant, la veuve opte pour la totalité de la succession en usufruit,
- La succession opère donc un démembrement sur (entre autres) des obligations d’État incluses dans l’actif de succession. Les obligations étant un bien consomptible, la veuve en a le quasi-usufruit. Elle décide de les placer sur un compte-titres.
- Lorsque les obligations arrivent à maturité, la veuve reçoit 350 000 € en remboursement. Alors âgée de plus de 70 ans, elle décide de placer ces fonds sur un contrat d’assurance vie.
À cette étape, la veuve en sa qualité de quasi-usufruitier est bien l’assurée. Il n’en serait pas de même si le contrat avait été souscrit conjointement par elle et l’enfant : l’assuré aurait été le nu-propriétaire.
Historiquement, l’administration fiscale a considéré à maintes reprises que la désignation du nu-propriétaire en qualité de bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie souscrit par un quasi-usufruitier valait paiement de la créance de restitution.
Pourtant, au décès de la survivante, le sort de l’assurance vie dans sa succession a fait l’objet d’un va-et-vient de jugements contradictoires entre l’administration et les tribunaux.
En effet, l’enfant n’avait pas intégré les capitaux-décès de l’assurance vie dans la succession au motif que ces derniers avaient déjà été taxés pour la nue-propriété lors de la première succession.
- L’administration fiscale a requis dans un premier temps l’intégration des capitaux-décès supérieurs à 30 500 € dans la succession de la mère avec créance de restitution venant en déduction de l’actif successoral,
- La Cour d’appel de Douai, en désaccord avec cet avis, a donné raison à l’héritier au motif d’une double taxation,
- La Cour de cassation s’est finalement prononcée en faveur de la mise en recouvrement initiale rendue par l’Administration.
Cependant, malgré ce va-et-vient, l’arrêt rendu par la Cour de cassation peut être apprécié comme en faveur de l’héritier. En effet, ses fonds sont exonérés de droits de succession par une double cause. D’une part, les capitaux-décès sont exonérés à hauteur de 30 500 € (article 757 B du CGI). D’autre part, une créance de restitution vient en déduction de l’actif taxable aux droits de succession à hauteur de 319 500 € conformément aux articles 773 et 751 du CGI.
Voilà qui illustre bien combien l’assurance vie, si populaire en raison de ses avantages civils et fiscaux, demeure un outil complexe. Elle nécessite un conseil averti.
Source : Cass. Com, 11 octobre 2023, 21-12732
Le droit viager au logement du conjoint survivant : l’option tacite suffit elle ?
Depuis la loi du 3 décembre 2001, le conjoint survivant d’un couple marié bénéficie d’un droit viager d’habitation sur le logement qu’il occupait effectivement au décès de son partenaire de vie à titre d’habitation principale, ainsi que d’un droit d’usage sur le mobilier le garnissant.
Ce droit prévaut que le bien ait appartenu aux deux époux ou dépende totalement de la succession, dans le cas où il s’agirait d’un bien personnel (régime matrimonial séparatiste) ou d’un bien propre de l’époux décédé (régime matrimonial communautaire).
Il est important de noter que le conjoint survivant dispose d’un délai d’un an pour manifester sa volonté de faire valoir ce droit, à savoir à partir du décès de son partenaire de vie.
Toutefois, la loi ne prévoit aucun formalisme pour ce faire, et la jurisprudence admet ainsi que l’acceptation de ce droit puisse être tacite.
La vigilance doit être de mise car l’enjeu est grand. En effet, quels sont les éléments qui caractérisent une manifestation de volonté tacite ? La Cour ne le précise pas.
La Cour suprême indique, toutefois, que l’acceptation ne peut résulter du simple maintien dans les lieux et que l’entretien du logement et l’emploi d’un salarié en son sein ne sont pas des éléments suffisants pour en déduire une acceptation tacite.
Compte tenu du court délai d’option d’un an seulement et de la complexité à apporter une preuve de l’acceptation tacite de ce droit, il est fortement conseillé de constater la volonté du conjoint survivant de bénéficier de son droit viager par écrit, et ce, le plus tôt possible suivant le décès de son partenaire de vie. Cette prudence pourra éviter bien des litiges.
Source : Cour de cassation : Arrêt du 13 février 2019 et Arrêt du 2 mars 2022
Stock-options et régime matrimonial ne font pas toujours le bon ménage
Le mariage sous un régime légal de la communauté réduite aux acquêts crée trois masses de biens : les biens propres du premier conjoint, ceux du second conjoint, et les biens communs. Les biens acquis pendant le mariage tombent dans la communauté :
« La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres »
Art. 1401 du Code civil
Il arrive cependant qu’un bien change de propriété en cours d’union : souvent par volonté, parfois par nature – ce qui ne manque pas de créer des complications lors du partage des biens au divorce.
Les stock-options font partie de ces biens dont la propriété évolue en cours d’union
Les options de souscription d’actions, dites « stock-options », sont attribuées gratuitement aux salariés d’une société pour leur permettre de souscrire ou d’acquérir des actions de celle-ci. Par ce biais, tout ou partie du personnel salarié peut devenir actionnaire, à un prix déterminé, dans un délai fixé.
Il convient de distinguer deux situations :
- Les options de souscription d’actions attribuées pendant le mariage et non exercées,
- Les options exercées pendant le mariage.
Dans une décision rendue le 25 octobre dernier, la Cour de cassation rappelle la nature des stock-options, ce qui en fait un enjeu particulier dans le cas du divorce.
La Cour a écarté l’argument selon lequel les stock-options constituent des biens communs avant la levée de l’option
En effet, le caractère incessible du droit d’option jusqu’à son exercice justifie la propriété propre de l’époux attributaire (Code com. article L225-183 et Code civ. article 1404). De même, les actions demeurent des biens propres si la levée est exercée après la dissolution de la communauté.
Pour conclure, les stock-options ne doivent pas être traitées comme des salaires au motif qu’elles proviennent de l’activité salariée de l’époux (ou plus conformément à son « industrie personnelle », Code civ. article 1401).
Il convient de déterminer si et quand les options ont été exercées afin d’en déterminer la propriété. Ainsi, un époux en instance de divorce retardera sa levée d’option pour que les actions obtenues n’intègrent pas la communauté. Depuis 2021, la date qui fait foi est la date de demande de divorce.
Source : Cour de cassation 1er civ. 25-10-2023 n° 21-23.139
Le gouvernement sommé de publier le registre des mandats de protection future
Les ingénieurs patrimoniaux de LaBienveillanceFinancière ont à cœur de contribuer à la prévention des conséquences de la dépendance. Dans ce cadre, ils incluent souvent dans leurs recommandations la conclusion d’un mandat de protection future pour protéger la personne et ses biens en cas de dépendance.
Le mandat de protection future permet en effet à une personne d’exprimer et de faire respecter ses volontés concernant sa personne et la gestion son patrimoine au cas où elle ne serait plus en capacité de le faire.
En 2015, la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement prévoyait l’instauration d’un registre d’enregistrement des mandats de protection future. Or plus de 7 ans plus tard, le décret qui régit les modalités et l’accès à ce registre n’est toujours pas paru. Le gouvernement a reconnu son retard et promis d’inclure le registre dans de prochaines mesures pour le « bien vieillir en France ».
Cependant, la Fédération internationale des associations de personnes âgées (Fiapa) s’est insurgée contre cette situation. La Fiapa et plusieurs personnes ont assigné la Première ministre devant le Conseil d’État. Celui-ci leur a donné raison et a ordonné au gouvernement de publier le décret dans un délai de six mois.
Au sujet du mandat de protection future, voir également notre article : Prévenir la dépendance liée à l’âge.
Source : L’Agefi
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