Actualité patrimoniale LBF – Janvier 2025
Un mariage à Las Vegas, un cadeau disproportionné… Ces actes spontanés ont des conséquences patrimoniales, parfois graves. Les ingénieurs patrimoniaux les passent en revue, de même que les comptes-titres vendus pendant l’usufruit légal ; les dons manuels transfrontaliers ; les conditions de déblocage anticipé d’un PERECO.
Vos clients sont-ils romantiques ? Sauriez-vous leur faire entendre la voix de la raison s’ils leur prenaient soudain l’envie de se marier à Las Vegas ?
Réponse dans la revue des sujets de l’actualité patrimoniale qui ont récemment retenu l’attention des ingénieurs patrimoniaux de LaBienveillanceFinancière :
- Mariage à Las Vegas : une aventure romantique aux conséquences durables
- L’usufruit du conjoint survivant sur un compte-titres
- Dons manuels et présents d’usage : quand les cadeaux deviennent taxables
- La déclaration d’un don manuel à un non-résident fiscal
- Limitations du déblocage anticipé du PERECO
Mariage à Las Vegas : une aventure romantique aux conséquences durables
Se marier à Las Vegas, avec ses chapelles illuminées et son ambiance festive, séduit de nombreux couples en quête d’aventure. Cependant, derrière la simplicité et la rapidité des unions dans cette ville mythique se cachent des dangers juridiques et personnels non négligeables.
Un mariage juridiquement contraignant
Un mariage célébré à Las Vegas est tout sauf anodin. Une fois la licence de mariage obtenue et la cérémonie officialisée, l’union devient juridiquement contraignante, même si elle est le résultat d’un simple coup de tête.
En France, ce mariage est valide entre les époux, mais sa transcription dans l’état civil français est indispensable pour qu’il soit opposable aux tiers (ex. : créanciers, etc.). Sans cette démarche, les époux peuvent se retrouver bloqués dans des situations complexes, notamment pour un remariage ou des démarches administratives comme l’obtention de droits fiscaux ou de visas.
Des risques de litige
Les risques de litiges sont également nombreux. Si un époux décide unilatéralement de transcrire le mariage en France sans en informer l’autre, cela peut entraîner des conséquences imprévues, comme la reconnaissance rétroactive de l’union et donc l’annulation d’un second mariage.
Clairement, les unions impulsives conclues sous l’euphorie du moment à Las Vegas peuvent rapidement tourner au regret, entraînant des séparations compliquées et coûteuses, tant émotionnellement que financièrement.
Une précaution utile
Si un couple se marie à Las Vegas, la première étape essentielle est de faire transcrire son union auprès du Consulat de France à Los Angeles. Cette démarche, indispensable pour rendre le mariage opposable aux tiers, garantira notamment ses droits fiscaux, l’obtention d’un livret de famille, et facilitera les démarches administratives en France.
En cas de séparation, cette transcription permet également de divorcer dans le pays de résidence des époux, sans avoir à se rendre aux États-Unis ou à se soumettre aux contraintes juridiques des États-Unis.
En résumé, bien que les mariages à Las Vegas offrent une expérience unique et spectaculaire, ils ne sont pas sans risque.
Si vos clients désirent succomber au charme de cette aventure, ils n’en seront pas moins reconnaissants que vous les aidiez (avec tact, bien sûr !) à comprendre les implications légales et personnelles de cet engagement pour éviter que le rêve ne se transforme en cauchemar.
Référence : Consulat général de France à Las Vegas
L’usufruit du conjoint survivant sur un compte-titres
L’usufruit d’un conjoint survivant (usufruit légal) peut, à la succession de ce dernier, soulever des problématiques complexes. C’est le cas, notamment en ce qui concerne les comptes-titres liquidés pendant la période d’usufruit.
Une récente décision de la Cour de cassation (27 novembre 2024, n° 23-12.151) apporte des précisions importantes sur les conditions nécessaires pour déduire une créance de restitution des nus-propriétaires de l’actif successoral.
Au décès de son épouse, Mr V. avait opté pour l’usufruit sur l’intégralité des biens composant la succession et qui comprenait un portefeuille de valeurs mobilières d’une valeur de 164 303 euros. Lorsque Mr V. décède à son tour, les titres ont tous été vendus et ne figurent plus dans son patrimoine. Une créance de restitution correspondant à la valeur initiale du portefeuille est cependant déduite de l’actif successoral au profit des enfants héritiers de Mr V. qui étaient également les nus-propriétaires du portefeuille.
Cependant, l’administration fiscale va contester cette déduction, affirmant que les valeurs mobilières ne peuvent être assimilées à des biens consomptibles comme l’argent ou les liquides, lesquels donnent lieu à une dette de restitution en vertu de l’article 587 du Code civil :
« Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution ».
L’administration fiscale soutient que les valeurs mobilières ne sont pas consomptibles par nature, c’est-à-dire consommées par leur usage même. En l’absence des titres dans la succession de Monsieur V., la créance de restitution ne peut être reconnue juridiquement ni déduite des droits de succession. Par conséquent, les héritiers doivent s’acquitter des droits de succession sur la valeur initiale du portefeuille, ainsi que des pénalités de retard.
La Cour de cassation a confirmé cette position, précisant qu’une déclaration de succession seule ne permet pas de prouver de manière certaine l’existence d’une créance de restitution au moment du décès de l’usufruitier, lorsque les titres concernés ont été vendus par celui-ci.
Elle rappelle alors que seule une convention de quasi-usufruit, conclue entre l’usufruitier et les nus-propriétaires au moment de la première succession, aurait permis d’établir le caractère certain de la créance de restitution de la valeur du portefeuille de valeurs mobilières dont on a constaté la disparition au décès de l’usufruitier. En son absence, la créance de restitution litigieuse ne peut être juridiquement reconnue ni déduite des droits de succession dus par les enfants, nus propriétaires du portefeuille.
Par cette jurisprudence, la Cour souligne l’exigence de preuves claires et formelles des dettes successorales. Elle rappelle aux praticiens et aux héritiers l’importance d’établir des conventions notariées ou autres formes d’enregistrement légal pour gérer des biens hérités dans le cadre d’un usufruit légal, et en particulier les portefeuilles de valeurs mobilières.
Source : Cour de cassation civile, Chambre commerciale, 27 novembre 2024
Dons manuels et présents d’usage : quand les cadeaux deviennent taxables
Les périodes festives de fin d’année sont souvent l’occasion d’offrir des cadeaux à ses proches. Cependant, des règles fiscales, parfois méconnues, encadrent ces gestes appelés « présents d’usage ». Voici ce qu’il faut savoir pour éviter que ces présents ne soient requalifiés en donations et soumis de facto aux droits de donation.
Qu’est-ce qu’un présent d’usage ?
Le présent d’usage est un cadeau offert à l’occasion d’un événement familial ou personnel spécial (étrennes, anniversaire, mariage, réussite à un examen, naissance, etc.). Ce type de don se caractérise par deux critères principaux :
- L’occasion : il doit être lié à un événement précis.
- La proportionnalité : la valeur du présent ne doit pas être disproportionnée par rapport aux revenus, au patrimoine ou au niveau de vie de la personne qui l’offre
L’avantage d’un présent d’usage est qu’il n’a aucune conséquence fiscale. Contrairement aux donations, il n’entame pas l’abattement fiscal applicable aux donations, n’entraîne pas de droits de donation, n’est pas rapportable à la succession du donateur.
Éviter la requalification en donation taxable
Toutefois, pour éviter des démêlés avec l’administration fiscale, il est essentiel de veiller à ce que le montant du cadeau reste raisonnable, c’est-à-dire en général, inférieur à environ 2 % du patrimoine. Néanmoins, il n’existe pas de seuil fixé par la loi pour déterminer si un cadeau est ou non un présent d’usage. Tout est laissé à l’appréciation des juges en fonction des circonstances.
Par exemple, la Cour a considéré des aquarelles d’une valeur de 70 000 F offertes par un père à sa fille pour son mariage comme un présent d’usage proportionné au patrimoine du père. Et cela malgré leur revente ultérieure pour 5 620 000 F ! (Cass. 1e civ. 10-5-1995 n° 93-15.187).
Profiter des exonérations
Si un cadeau dépasse les limites d’un présent d’usage, il peut être requalifié en donation et soumis aux droits de donation.
Heureusement, des abattements renouvelables tous les 15 ans permettent de transmettre des biens à differents membres de sa famille en exonération de droits de donation : par exemple, un enfant peut recevoir jusqu’à 100 000 € de ses parents sans impôt, un petit-enfant 31 865 € et un neveu ou une nièce 7 967 €.
Par ailleurs, un donateur de moins de 80 ans peut faire don de sommes d’argent pour un total de 31 865 € à un descendant majeur ou, à défaut de descendance, à une nièce ou un neveu. Cette exonération est cumulable avec les exonérations ci-dessus,
Enfin, un abattement supplémentaire de 159 325 €, également cumulable avec les exonérations ci-dessus, s’applique aux bénéficiaires handicapés.
Pour conclure, le présent d’usage doit respecter les critères de proportionnalité et de lien avec un événement. est essentiel pour éviter toute requalification en donation.
La déclaration d’un don manuel à un non-résident fiscal
Le don manuel se fait de la main à la main et peut porter sur des biens mobiliers (argent, voiture, bijoux…). Il ne nécessite pas obligatoirement l’intervention d’un notaire. Toutefois, le donataire doit en informer les services fiscaux, même si le don n’a pas donné lieu au paiement de droits de donation.
Récemment, une réponse ministérielle relative au périmètre de la déclaration d’un don manuel a été publiée.
Dans l’exemple évoqué par une sénatrice, un donataire, résidant à l’étranger au moment de la donation, n’avait pas déclaré à l’Administration fiscale française le don manuel reçu. Ce n’est que plusieurs années plus tard, après s’être établi en France, qu’il a été sanctionné par les services fiscaux pour défaut de déclaration de ce don manuel.
La parlementaire a interrogé le Gouvernement sur la possibilité pour l’Administration d’appliquer systématiquement le principe du droit à l’erreur ; notamment lorsque la bonne foi semble manifeste en raison du manque d’information dont disposent les non-contribuables français.
Le fait générateur d’un don manuel correspond à la date de sa révélation, comme l’a rappelé le ministre de l’Économie. Ainsi, un don manuel réalisé à l’étranger et ultérieurement révélé par un bénéficiaire devenu résident fiscal en France est soumis à l’impôt français, conformément à l’alinéa 3 de l’article 750 ter du CGI. Cette règle s’applique indépendamment de la date à laquelle le bien ou la somme en question a été effectivement transféré au bénéficiaire.
Concernant l’application du droit à l’erreur, le ministre a indiqué que l’examen de ce cas spécifique ne permettait pas de fournir une réponse précise. Il a recommandé de se rapprocher de l’Administration afin de lui présenter en détail les circonstances factuelles de la situation.
Source : Question écrite du Sénat au gouvernement Octobre – Novembre 2024
Limitations du déblocage anticipé du PERECO
En introduisant le Plan d’Épargne Retraite (PER), la loi Pacte de 2019 visait à promouvoir la transférabilité des dispositifs d’épargne retraite tout en harmonisant leur fonctionnement.
Toutefois, cette transférabilité peut créer certaines restrictions en matière de déblocage anticipé.
Dans ce cas, Mme H. a transféré son contrat de retraite supplémentaire à cotisations obligatoires (article 83), détenu auprès de son ancien employeur, vers son PERECO, le PER collectif mis en place par son nouvel employeur.
Suite à la signature d’un compromis de vente en 2024, elle a soumis une demande de déblocage anticipé de son PERECO pour le motif « acquisition de la résidence principale ». Mme H. s’est vu refuser cette demande par l’établissement gestionnaire du contrat, au motif que les versements obligatoires ne sont pas déblocables pour l’achat de la résidence principale, et qu’elle avait été préalablement informée de cette restriction. Par conséquent, elle a sollicité l’intervention du médiateur de l’AMF pour obtenir le déblocage anticipé de son épargne salariale.
Comme le souligne le médiateur de l’AMF, la réponse se trouve à l’article L.224-4 du Code monétaire et financier, qui stipule explicitement que les sommes issues des versements obligatoires du salarié ou de l’employeur ne peuvent être débloquées de manière anticipée pour l’acquisition de la résidence principale.
Le médiateur précise que le déblocage pour le motif « acquisition de la résidence principale » n’est effectivement pas possible sur le compartiment 3 du PERECO, mais n’était pas davantage prévu par son ancien contrat. Cependant, ce dernier ne pouvait être transféré que vers le compartiment 3 de son PERECO. En conséquence, il souligne que le « transfert de son contrat dit Article 83 — en tant que tel — n’a pas été préjudiciable à Mme H. en ce qui concerne ses possibilités de déblocage anticipé. »
Ainsi, malgré une apparente harmonisation des dispositifs d’épargne retraite par la loi Pacte, diverses règles particulières s’appliquent selon le compartiment concerné. Les épargnants doivent donc être attentifs à ces spécificités et prudents lorsqu’ils envisagent un transfert.
Source : Blog du médiateur de l’AMF 4 décembre 2024
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